Chers lecteurs, de longues lunes sans vous revoir m'ont pesé mais sachez que je suis aujourd'hui de retour de mon ermitage au fond des Bois du Sud avec la suite de mon récit en guise de bagage.

Chapitre 3 : Rencontre

La lune brillait toujours dans la petite forêt qui jouxtait le village. Les arbres centenaires oscillaient doucement sous la brise du soir. Les rares créatures nocturnes se promenaient en quête de distraction ou de nourriture, associant parfois les deux en même temps.

Seul, assis au beau milieu d’un cercle de chênes, un jeune homme semblait perdu. Il était clair qu’à une heure pareille, surtout dans une forêt aussi sombre, il n’avait rien à faire là. Il aurait dû se trouver dans son lit avec un bon livre sous les yeux comme il aimait à le faire. Seulement, ce soir, l’heure n’était pas à la lecture, le cœur n’y était pas. Son esprit torturé imaginait des scénarios tous plus invraisemblables les uns que les autres pour faire revenir son amie.

Il soupira, las de ne trouver aucune solution réalisable. Dieu sait qu’il avait cherché et cherché durant des jours, des semaines, des mois ! Mais rien n’aboutissait à quelque chose qui soit en mesure de ses capacités. Les artéfacts qu’il envisageait d’utiliser étaient tous détruits ou portés disparus. Et inutile de se lancer à la recherche du trésor perdu ; il avait déjà beaucoup trop à faire sans cela entre son éducation princière et le troupeau d’ennuis qui le suivait comme son ombre chaque fois qu’il mettait le nez dehors. Décidément, rien n’allait chez lui. Il faudrait qu’il pense à changer de vie si cela était possible. Quelle formule avait-il lu à ce sujet déjà ? Un bruit interrompit ses réflexions.

A sa gauche, un petit lézard l’observait. L’animal passa devant lui rapidement, s’arrêtant juste en face pour humer l’air, puis repartant d’un pas rapide. Jimmy se dit qu’il ne faisait que passer et repris le cours de sa pensée. Mais le petit animal revint, se rapprochant un peu plus de lui. Il regarda le jeune homme et renifla dans sa direction en se mettant debout à la manière des suricates. N’obtenant aucune réaction, le gecko rouge-orangé rampa vers lui aussi vite que le lui permettaient ses petites pattes. Il grimpa le long de la cuisse du garçon et vint se lover au creux de ses jambes, comme un chat. Jimmy le regarda ronronner, hébété.

- Eh ben. Y’en a qui sont bizarres par ici.

Un autre son se fit entendre derrière lui. Le lézard s’enfuit, effrayé. Jimmy se redressa et fit face à son adversaire. Une sorte de salamandre à pattes de crabe se tenait devant lui. Sa langue sortit de sa gueule pour siffler son mécontentement. A son attitude défensive, le jeune prince comprit qu’il se trouvait sur son territoire. Ce genre d’animal n’était pas dangereux mais savait se montrer agressif s’il sentait sa propriété menacée.

Lentement mais sûrement, il détacha le fourreau de son épée de sa ceinture et le posa ensuite devant la créature. Celle-ci recula d’abord, craintive. Ses muscles se détendirent quand elle vit le garçon s’asseoir dans l’herbe, face à elle. Elle avait compris qu’il ne lui voulait aucun mal et qu’il était seulement de passage. Par précaution, la salamandre resta un long moment à observer les faits et gestes de cet intrus, pour être sûre de son premier jugement. Les regards se croisèrent puis se soutinrent mutuellement pendant un instant. L’hybride se décida à faire un pas en avant. Deux, trois autres pas suivirent et bientôt, ils se retrouvèrent nez à nez. Le jeune homme regarda la chrysophène et sentit qu’une barrière s’était envolée. Elle ne se sentait plus en danger et acceptait temporairement sa présence. La bête se courba pour montrer son respect et Jimmy fit de même. L’animal se rapprocha de lui et posa sa tête sur son genou. Le prince le regarda et passa sa main sur la peau rugueuse qui recouvrait son dos.

- C’est fou comme un regard peut changer les choses, constatât-il.

Ils restèrent ainsi quelques temps à contempler les brins d’herbe se courber au gré du vent. Les feuilles des arbres se laissaient tomber de leurs branches et ondulaient doucement jusqu’au sol. Un silence paisible habitait la prairie. Le jeune homme ferma les yeux pour mieux l’apprécier. Il se surprit à oublier tous les tracas de sa vie quotidienne, tous ces ennuis, ces luttes pour conserver une vie « normale ». Il mit de côté pour un temps ses ennemis, Lola, ses devoirs en tant qu’héritier du trône, ses pensées négatives. Il se concentra sur son propre bien être, ce qu’il n’avait pu faire depuis longtemps déjà. Pour la première fois de la journée, il se sentait libre et heureux. Il se laissa aller et profita du calme bienfaisant de la forêt.

Soudain, un sifflement aigu perça la bulle de tranquillité qui l’entourait. Une ombre passa au dessus de lui en décrivant un arc de cercle. Il se releva et observa la créature, se préparant à l’offensive.

- Mmm, d’après ce que je vois…, la tête d’une raie, les ailes membraneuses, le vol circulaire comme celui des vautours, j’imagine les dents pointues,… c’est une manta.

La bête acheva son approche et descendit en piqué vers lui. La salamandre se recula de quelques pas, de peur d’être blessée. Calme, serein, le jeune homme prit une longue inspiration avant de tirer sa longue épée de son fourreau. Il expira en même temps que la manta arrivait à sa hauteur. La créature passa à quelques centimètres de son visage, criant sa rage de l’avoir manqué. Jimmy, qui n’avait pas bougé d’un pouce, se retourna pour regarder son adversaire entamer une nouvelle descente.

- Non mais je rêve ! Et en plus elle sait pas viser ! C’est ça un prédateur ?

Vexée, elle aborda un courant aérien ascendant pour prendre de la vitesse. Le garçon sourit malicieusement. C’était ce qu’il attendait. Le chasseur, arrivant à sa hauteur, poussa un cri perçant afin de le déstabiliser. Il ne vit pas que le piège tendu par le jeune prince venait de se refermer sur lui. En prenant trop de vitesse, il n’aurait pas le temps d’éviter la lame qui l’attendait en bout de course. La manta ne comprit cela que lorsque le fer était trop proche pour être évité.

D’un geste habile et mille fois répété, Jimmy trancha une aile de la créature. La bête s’étala à ses pieds, vaincue. Une fois de plus, il sortait victorieux d’un combat, mais sans égratignures, ici. Il avisa le corps scindé et éprouva une certaine pitié pour la manta. Personne ne méritait de mourir, pas même les pires chasseurs. Il sentit un courant d’air derrière lui alors qu’une autre créature s’emparait déjà des deux parties de la perdante pour en faire son déjeuner.

- La fameuse loi du plus fort. Terrible.

Il avisa son épée ensanglantée. Une sorte de matière verte visqueuse dégoulinait du métal encore chaud.

- Beurk, on dirait de la gelée ! C’est à vous dégouter de rester en vie, ce truc. Bon, bah… c’est moi qui nettoie… Je sens que je vais adorer la séance de décrassage, et ma mère aussi. Après tout, c'est son éponge neuve qui va trinquer...

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