Desperate Fathers

    Voici venu le temps des premiers flocons déployant leur manteau blanc sur la ville, parant de reflets teintés de joie les vitrines des grands magasins. Le temps également de compter les jours à languir d'apercevoir enfin le sapin tant convoité paré de ses mille couleurs. Des cadeaux par milliers seront bientôt déposés à ses pieds et les enfants que nous sommes les ouvriront les yeux remplis de magie.

   Revenons plutôt à notre roi et père ayant tout essayé pour convaincre son fils de s'assagir. Il se pourrait bien que la sagesse vienne bientôt à lui, mais pas sous la forme à laquelle il s'y attend...

    Le roi finit par relever complètement son maître d’armes et le ramena à son bureau en passant par la salle de bains pour prendre de quoi le soigner. Lorsque ce fut fait, ils eurent un long entretien quant aux possibilités d’études pour le jeune prince. Le bilan fut vite fait : il avait toutes les possibilités envisageables. Bon en calcul en tous genres, en langues, en biologie, doué d’un talent de négociateur inné et d’un sens logique à toute épreuve, il avait tout pour lui. Enfin, d’un point de vue intellectuel. En effet, il semblait se moquer éperdument de la gent féminine et avait déjà renvoyé pas moins de 1700 prétendantes en les congédiant de manière plus ou moins orthodoxe. De plus, il s’était créé au fil des ans un répertoire d’ennemis plus chargé que l’agenda annuel de son père (et ce n’est pas rien !). Ses amis se comptaient sur les doigts de la main et les noms de ses rivaux noircissaient des pages entières de parchemins.

    Mis à part ses problèmes sociaux, il avait tout pour lui. Mais comme tout adolescent qui se respecte, il traversait une phase d’incompréhension totale du monde dans lequel il vivait et donnait du fil à retordre à tout son entourage. Les rencontres répétées avec ses ennemis avaient forgé son caractère en acier trempé ainsi que son insolence et son aversion envers toute forme d’autorité ayant été instaurée en ce bas monde. Il préférait la solitude à la compagnie de ses parents et la salle d’entrainement à la salle à manger. Aussi têtu que courageux, il avait également un autre défaut : il était quelque peu efféminé et cela lui causait du tort. Ses manières s’apparentaient parfois à celles des jeunes femmes du monde lasses de tout (ce qui lui valait les railleries de ses ennemis et ne faisait qu’augmenter le nombre déjà croissant de ses sautes de caractère). Il y avait aussi  ces fréquentes sautes d’humeur qui le faisaient partir pour quelques heures, ou quelques jours parfois, dans un lieu qu’il aimait à appeler son « refuge ». Il se murait de temps en temps dans l’apaisant silence des livres et on avait du mal à l’en tirer.

    Le père désespéré qu’était devenu le roi ne savait plus que faire pour que son fils devienne un homme digne d’accéder au trône et le poids des années passées à essayer de convaincre son garçon creusait les traits de son visage. Il ne savait vraiment plus quoi faire…