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La Quête des Quatre Mondes
La Quête des Quatre Mondes
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11 mars 2012

Concours

Bonjour tout le monde! J'ai participé à un concours de nouvelles récemment, le concours Maupassant de la jeune nouvelle. Je poste ici le texte que j'ai soumis, en espérant qu'il soit sélectionné par le jury! Bonne lecture à tous:)

                                 

                                      Voyage

                            

    Je suis seule face à mes bourreaux. Les deux silhouettes sombres me fixent de toute leur imposante stature. Au loin, la paille sale qui m’attend. Bientôt, on l’embrasera avec la torche que tient le juge. On m’a habillé de blanc pour que Dieu m’accorde son pardon. Ce même Dieu qui hier matin encore me promettait un avenir radieux. Les gardes sont venus m’arrêter chez moi très tôt dans la matinée. Ils ont trouvé mes philtres et mes  incantations. Cela leur suffisait à prouver que je pratique la magie. Je me servais de mes dons afin de faire le bien, mais qu’à cela ne tienne, je suis née sorcière et je mourrai ainsi. Je n’ai aucune raison de changer ou de me justifier. S’ils ne me comprennent pas, je préfère encore quitter cette terre hostile. On m’attache à un vieux poteau de bois. Son sort sera aussi tragique que le mien. Il prendra feu et le brasier qui en naîtra transportera mon âme perdue jusqu’aux Enfers où j’errerai pour l’éternité.

    Les flammes s’emparent des brins de paille qui disparaissent les uns après les autres sous la masse rougeoyante. Mon heure est venue. Lentement, je lève les yeux au ciel, implorant la clémence de celui qui m’a envoyée en ce monde pour mieux m’y arracher. Les nuages violacés découvrent alors la lune. Ronde et claire, elle domine la scène de son piédestal brumeux. Un sourire se dessine alors sur mes lèvres. Je ne mourrai pas ce soir.

    Les flammes lèchent mes pieds nus, m’arrachant un cri de douleur. Alors qu’elles se font plus denses encore, le juge me sourit. Les quelques spectateurs tentent de l’imiter sans vraiment y parvenir. C’est leur première exécution. Le vieil homme à la peau grise, lui, a parcouru des dizaines de villes avant de s’installer ici, à Salem. Il a condamné des dizaines de femmes comme moi et en trouvera d’autres. Je lui rends son sourire et hurle à travers les craquements du bois et le vent sifflant à mes oreilles :

« - Je reviendrai ! Je reviendrai ! »

    Le brasier a fini de consumer mon corps. Je ne suis plus que cendres, poussière. Le juge, heureux s’en retourne dans sa maisonnette. La petite troupe de curieux se disperse et vaque à ses occupations. Les restes de mon bûcher sont  enlevés de la place publique où a eu lieu mon exécution. On m’oublie bien vite, mais moi, je ne les oublie pas.

    Aujourd’hui, les gens sortent dans la rue. Mon mari est parti rejoindre les autres. La bataille fait rage dehors. J’entends les coups de feu qui fusent. Des canons et des fusils. Ce n’est pas une simple manifestation, c’est le peuple de Paris tout entier qui se soulève en ce moment. Nous sommes en 1789 et c’est la révolution. La Bastille est prise aujourd’hui mais rien n’est encore gagné selon moi. Il faut frapper plus fort, trouver autre chose. Je suis dehors. Des corps ensanglantés gisent dans la rue, tels des pantins désarticulés. J’ai de la peine pour eux qui se sont battus pour leur liberté et se retrouvent en piteux état.

    Je me penche soudain, prise d’une quinte de toux. Mon mouchoir est taché de sang. Je n’aurai pas dû sortir, ma tuberculose m’empêche toujours de me déplacer. Mes jambes me portent jusqu’à mon seuil où je m’écroule, épuisée. Je sens que la fin est proche. Mes philtres ont été inefficaces face à la maladie. Il faudrait que je revoie cela, plus tard. Mais pour l’instant, je dois me traîner avec peine vers le lit dans notre chambre.

    Ma fille pleure dans son berceau. Mes mains sont maculées de sang, je ne peux pas la prendre dans mes bras. Le vieux mouchoir en tissus ne sert plus à rien face au flot rouge continu que je tousse. Les pleurs de Jeanne redoublent et elle me tend les bras. Elle ne comprend pas. Elle me voit tenter tant bien que mal d’éponger le sang qui me coule des lèvres. Elle me voit me raidir à chaque expiration. Elle me voit m’écrouler sur le sol, vaincue. Elle regarde sa mère mourir. Je suis seule face à la mort et c’est à nouveau elle qui l’emportera, j’en suis sure. J’espère que ma fille grandira bien et qu’elle ne contractera pas ma maladie. Je lui souhaite de trouver un bon mari qui s’occupe d’elle et ne la laisse pas dans la misère. J’espère qu’elle ne sera pas seule trop longtemps, le temps que son père rentre. S’il rentre un jour…

    Lentement, mes yeux se ferment, envahis par un sommeil profond et irrésistible. Jeanne se redresse du haut de ses deux ans et me regarde, tendant ses petites mains. Je lui adresse un dernier sourire et prononce alors mes derniers mots :

- Prends soin de toi…mon amour. Maman t’aime…

    Le néant succède alors à la tempête d’émotions. Tout est noir dans mon esprit. Je sens que je pars. Je revois encore cette image de ma fille fermant ses mains dans le vide et n’ayant pas pu étreindre sa mère une dernière fois.

    J’ai repris mes activités. Mes potions me servent toujours ainsi que mes sortilèges. Je suis dans la campagne française en 1940. Nous sommes en guerre. Je pensais trouver un endroit tranquille pour fonder une famille et avoir une vie stable mais on dirait que Dieu a d’autres desseins pour moi. Les allemands occupent la ville et les tirs d’obus ne sont pas rares. Je vois chaque jour qui passe les envahisseurs profiter de nos maisons, de nos biens, de nos vies. J’aurai voulu les ennuyer avec quelques sorts bénins mais tous les habitants auraient payé le prix fort. Le silence est de rigueur dans un village occupé par l’ennemi.

    Je marche dans le sentier boueux, seule. Mon petit panier au bras, je vais chercher les œufs dans le poulailler. Quatre, c’est déjà bien. Je rentre à l’intérieur. J’irai prendre les cinq qui restent plus tard. Je me prépare à faire le repas quand soudain, mon mari rentre, accompagné de deux hommes. Il s’empresse de m’expliquer qu’ils sont des résistants et qu’il est nécessaire de les cacher au plus vite. Je les mène à la cave où ils seront en sécurité pour l’instant.

    Je retourne vers le poulailler chercher le reste des œufs. Mon regard se pose sur les deux officiers allemands qui se servent dans celui-ci. Je les rejoins.

- Excusez-moi, messieurs, mais que faites-vous ?

- Vos biens sont réquisitionnés, madame.

- Pourquoi cela?

- Nous avons besoin de nous nourrir.

- Prenez donc. Mais faites attention, les poules peuvent paraître inoffensives alors qu’elles pincent.

    Les deux uniformes finissant par s’éloigner, je me sens beaucoup mieux. Ils auraient pu découvrir les résistants et nous fusiller pour les avoir hébergés. Je souhaite qu’ils s’étouffent avec mes œufs. Après tout, ils l’auraient mérité.

    Le soir arrive et nous dînons. Mon mari parle d’un plan d’action avec les résistants. Alors que la discussion devient animée, on frappe à la porte. Ce sont les allemands. Apparemment, mes œufs n’ont pas plu puisqu’ils reviennent avec leur butin.

- Vous avez tenté de nous empoisonner !

- Vous quoi ? Mais pourquoi aurais-je fait une chose pareille ?

- Sans doute parce que vous cachez quelque chose. Ou quelqu’un.

- Je ne vois pas de quoi vous parlez.

    Ne me croyant pas, ils entrent d’un pas rageur et déterminé. Leurs yeux se posent sur les deux hommes encore attablés.

- Qui sont-ils ?

- Ce sont nos cousins. Ils sont venus dîner avec nous.

- Vous mentez !

    A ces mots, l’un d’eux sort une arme à feu. Je me réfugie derrière un meuble, abri de fortune face à la rafale que tirent les soldats. Ont-ils le droit de faire cela ? Je l’ignore. Mon carnet d’incantations étant dans ma chambre, je ne pouvais pas faire grand-chose face à eux. A un certain moment, ils seraient à court de munitions et nous pourrions peut-être nous enfuir. Si le destin nous le permettait.

    Les tirs cessent. Le temps s’arrête quelques instants. Lentement, l’un des soldats s’approche de moi. La peur me tiraille l’estomac. Je ne veux pas mourir, pas maintenant. Une ombre sale se dessine sur le parquet. Je lève les yeux et plonge dans les siens. Des yeux malsains, d’un noir épais et profond à l’image de la nuit qui va s’abattre sur moi dans quelques secondes. Je le sais. Ce n’est plus qu’une question de temps. Je repense alors aux bons moments que j’ai vécu avec mon époux et sa famille, la mienne, ma sœur qui va sans doute me regretter plus que quiconque, l’enfant que j’allai avoir. Tous mes rêves et mes espoirs sont anéantis par cette unique détonation dans le ciel obscur, la pleine lune faisant surface parmi les nuages cotonneux. La poudre éclabousse la manche de l’homme en gris tandis que la balle métallique  me traverse. Étrange jeu que celui de tuer pour affirmer son autorité. L’obscurité m’envahit et tout devient glacé. Seul le son grave de la douille quittant le barillet m’accompagne dans ma descente vers les ténèbres. Un lieu que je fréquente bien trop souvent.

    L’ombre laisse place à la lumière. La pupille noire dans son écrin blanc me fixe et sonde mon âme. Les cheveux noirs et frisés qui entourent le visage lui donnent un aspect chaleureux. Les philtres et les parfums coûteux se mélangent sur la coiffeuse. Le casque est encore relié à son lecteur de musique déposé sur le lit. Les posters divers recouvrent les murs. Un sac à dos attend qu’on le remplisse près du bureau. La vie semble bien douce ici. Ma main passe dans mes cheveux pour les remettre en place et je me surprends à sourire. Mes réincarnations ne m’ont pas changée. Je ressemble toujours à la jeune sorcière que j’étais. J’ai enfin retrouvé le juge. Lui aussi fait usage de magie, mais on ne lui en a pas tenu rigueur. Je suis prête à changer mon destin et ne plus me cacher. Je me regarde dans mon miroir et ce matin, pour la première fois depuis des années, je sens que je vais passer une agréable journée.

 

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Commentaires
T
Coucou,<br /> <br /> Je devrais m'excuser milles fois et encore milles fois de ne pas avoir lu ta nouvelle avant, mais je vais tenter de me rattraper en ajoutant que je la trouve superbe; et c'est pas un compliment en l'air parce que j'en ai lu et j'en ai écrit des nouvelles!<br /> <br /> D'ailleurs je tiens à te féliciter encore d'avoir gagné ton concours, car ce n'est pas à la portée de tout le monde.<br /> <br /> Gros bisous <br /> <br /> Aurore S
La Quête des Quatre Mondes
  • Voyageur, vos yeux se sont égarés entre les pages du Grimoire et vous voilà perdu. Si vous aimez l'aventure, je vous conseille de poursuivre votre lecture car ici est consignée la légende de La Quête des Quatre Mondes. Curieux, n'est-ce pas? Alors entrez.
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