La Grande Bibliothèque

    Chers lecteurs, la prophétie est en marche. A l'heure où je vous parle, les deux Héros du Destin prennent part à la plus grande aventure de toute leur vie: celle qui les conduira au bout du monde,au bout d'eux-mêmes, mêlant leur destin à celui des acteurs de la prophétie, marionnettes des Dieux à l'image des hommes et détenteurs des secrets de la magie. "Chaque détail compte, chaque mot prononcé et à l'heure du Jugement tout sera vérifié."

   Ah, la grande bibliothèque… Ses parchemins anciens au toucher velouté, des senteurs d’autrefois encore imprégnés… Hum, bon, revenons à nos moutons, ou plutôt, si vous le voulez bien, à notre prophétie. La bibliothèque conserve toutes sortes d’œuvres, anciennes ou récentes. Chaque section se compose d’une allée de grandes étagères empilée les unes sur les autres et croulant sous le poids des volumes reliés. Le paradis des amoureux de l’art hugolien. La salle accueillant les ouvrages était assez haute de plafond et on remarquait au centre de la clé de voûte une forme rectangulaire semblant s’encastrer dans la pierre.

   Le poste de garde devant l’entrée était allumé. Jimmy se dirigea en éclaireur vers la vitre du petit bloc de pierre se détachant du mur. Tim attendit en retrait avec Jack et Alicia. Le jeune prince retrouva son bon vieux bibliothécaire. Assis sur la chaise qui accompagnait son bureau en pierre, il tenait une bouteille vide à la main. Inutile de vous dire que ce n’était pas de l’eau. Assoupi sur une pile de papiers, il semblait avoir eu largement le temps de cuver son vin.

   Jimmy frappa trois coups sur la vitre qui les séparaient.

- Hé ho ! Monsieur Ricel ? Vous êtes toujours vivant ?

   Pour toute réponse, le vieil homme sursauta et tomba de sa chaise. Il marmonna des mots étranges en se relevant et remit ses petites lunettes rondes sur son nez pour mieux voir celui qui avait osé le déranger en plein travail. En apercevant le visage du prince, il soupira et se rassit, las.

- Encore toi ?

- Oui. C’est pour une visite guidée.

   Le vieillard le regarda droit dans les yeux et répondit du tac au tac :

- Est-ce que j’ai l’air d’un guide touristique, moi ? Non, bon alors du balai !

- Quel accueil chaleureux, dites-moi ! Vous n’avez pas de sens de l’humour ?

- Nan, j’ai du le perdre en même temps que mes cheveux.

- Ah bon. C’est à ça qu’il sert le vieux cornu ?

   Par « le vieux cornu », il désignait le chapeau en soie aussi vouté que le dos de son porteur accompagnant la longue robe d’une autre époque qui couvrait le corps du mage. Il ressemblait à Merlin avec ses habits et sa barbe blanche.

   Lorsque le vieil homme sortit de sa cabine, Jack qui ne l’avait pas vu jusque là, pouffa. En effet, il lui semblait se trouver en face de l’enchanteur légendaire qui avait fait la fierté de la Bretagne.

- Quoi ? Qu’est ce qu’il y a de drôle ? J’ai mon chapeau de travers, c’est ça ? répliqua Sylvain, piqué.

- Non, non. Vous me rappelez quelqu’un, c’est tout.